Ce sont des milieux rares et originaux qui, s'étendant sur
de faibles superficies, présentent un fort intérêt
écologique dû à leur végétation
originale et aux espèces spécialisées qu'ils
abritent (insectes notamment).
Les pelouses sèches ont une végétation herbacée
rase, discontinue, adaptée à ces lieux secs, chauds,
sur sol calcaire
ou sablo-calcaire. Elles constituent de petites enclaves de végétation
de type méditerranéen. Trois cent hectares de ces
milieux sont répartis sur une centaine de sites dans le Gâtinais
Français et la Haute Vallée de la Juine.
LES CONDITIONS DU MILIEU
pelouse calcaire
Elles sont implantées sur des sols calcaires soit secs,
soit frais mais endurant une sécheresse en été.
Ces sols sont pauvres, car les éléments minéraux
sont retenus par le calcium libéré par la roche. Les
minéraux ne sont utilisables que pendant une courte période
durant laquelle le sol n'a pas encore drainé l'eau après
la pluie. Certaines conditions d'exposition et de pente favorisent
aussi la sécheresse de ces milieux. Ces conditions sévères
entraînent une sélection des plantes qui, pour survivre
doivent être adaptées morphologiquement ou physiologiquement
aux faibles quantités d'eau disponibles. Les pelouses sèches
sont en conséquence composées essentiellement de graminées
ou de petites plantes supportant bien la chaleur et la sécheresse
et sont donc pauvres en buissons et en arbres. Les herbivores sauvages
ou domestiques en broutant favorisent le maintien de cette végétation.
Ce sont des milieux extrêmement fragiles, qui ne persistent
que grâce aux interventions intelligentes de l'homme
LES GROUPEMENTS VEGETAUX
Etant donné la variabilité des conditions écologiques,
il existe six groupements différents de pelouses sèches.
1. Pelouses pionnières sur dalles et rochers calcaires
: On y note la présence de rares plantes naines et très
dispersées sur un calcaire grossier nu.(BOURNERIAS, 1979).
2. Pelouses à Fétuques : Elles regroupent les
plantes pionnières des pentes exposées au sud sur un
sol rocailleux et squelettique. Elles sont très pauvres en
matière organique et très sèches. La végétation
est rase et très riche en espèces spécialisées
(BOURNERIAS, 1979). Ces pelouses montrent probablement la forme originelle
des pelouses sèches avant l'arrivée de l'homme. (WOLKINGER
et PLANK, 1981 ). La plante caractéristique est une graminée
: la fétuque.
3. Pelouses à Brome érigé : Elles sont
sensiblement identiques aux précédentes; la distinction
repose sur la dominance d'une Graminée:
le brome érigé, qui couvre largement le sol et dont
la présence indique un sol moins superficiel et plus mature
que celui des pelouses à fétuques (GAULTlER, com.
pers.,1993).
4. Pelouses denses à Brachypode (Mésobromion) :
Elles s'observent sur affleurements calcaires avec des conditions
moins arides et un sol plus profond que les pelouses à fétuques
et à brome érigé. Une nouvelle graminée,
le brachypode, les remplace.
Andropogon
5. Pelouses sablo-calcaires : Elles se trouvent sur sables
silico-calcaires, très chauds et secs, plus ou moins dénudés.
Leur flore exigeante en chaleur est plus fréquente dans le
sud de la France (BOURNERlAS, 1979). Ce groupement très fragile,
autrefois relativement répandu, est depuis longtemps en voie
de régression et celle-ci s'accélère de nos jours
(BOURNERIAS , 1983).
6. Ourlets et fructicées calcicoles : Ce sont les
zones de transition naturelle entre la pelouse à brachypode
et la forêt calcicole dense. C'est simplement un bois très
clair avec des clairières où persiste la pelouse d'origine.
(BOURNERIAS,1979).
La flore
Sur les pelouses sèches d'Ile-de-France, 325 espèces
de plantes sont potentiellement présentes. En Essonne, 264
ont été inventoriées et seulement 201 ont été
retrouvées après 1960. Parmi ces plantes, 68 sont
classées très rares ou rares en Ile-de-France et 25
sont protégées au niveau national ou régional.
Ces 25 espèces ne vivent que sur les pelouses sèches,
certaines sont en limite de leur zone de répartition méditerranéenne
et d'autres appartiennent à des groupements relictuels.
L'amélanchier (Amelanchier ovalis), arbuste d'Europe méridionale
et centrale, fait partie des plantes de trois des groupements végétaux
essonniens : les rares pelouses pionnières sur dalle et rocher
calcaire, la méditerranéenne pelouse à fétuque
et les riches ourlets et fructicées calcicoles. Son aire
de répartition couvre tout le sud-est de la France, mais
elle réapparaît en quelques rares stations, de la vallée
de la Seine et de l'Essonne qui représentent sa limite nord.
La trinie glauque (Trinia glauca), espèce du sud de l'Europe,
est liée à deux groupements végétaux,
qui comptent parmi les plus rares et les plus menacés en
Essonne et en Ile-de-France: la pelouse sablo-calcaire et la pelouse
à fétuque . Elle est bien représentée
dans la région méditerranéenne. L'Essonne représente
la limite nord de son aire de répartition.
La laîche de Haller (Carex halleriana) espèce d'Europe
méridionale, est présente dans deux groupements végétaux
: la pelouse dense à Brachypode et l'ourlet et fructicée
calcicoles. Elle est bien présente sur le pourtour méditerranéen
et autour du Massif central. L'Essonne forme l'une de ses deux stations
nordiques avec le Laonnais, où sa présence suggère
l'existence d'affleurements calcaires.
L'andropogon ischème (Bothriochloa ischaemun), espèce
méditerranéenne, est inféodé à
un très fragile groupement végétal en régression,
la pelouse sablo-calcaire. Sa répartition, liée aux
lieux chauds et secs sur sable et calcaire, localise ce type de
pelouse qui devient extrêmement rare dans la partie nord de
la France. L'Essonne est l'un des rares départements où
l'Andropogon et son habitat subsistent.
Les pelouses sèches représentent aussi l'habitat
privilégié des orchidées, dont 36 espèces
existent en Essonne.
La faune
Pipit rousseline
Elles forment un refuge thermique pour de nombreuses espèces
d'insectes. Elles représentent un habitat unique ou privilégié
pour plusieurs groupes d'espèces d'oiseaux :
- Des espèces migratrices dont la biologie est liée
aux milieux secs (Traquet motteux, Pipit rousseline, ...), mais
qui ne nichent pas en Essonne (DAGNAS, 1991, in URBANO, 1992 a)
; elles y trouvent momentanément des conditions qui répondent
à leurs exigences écologiques spécifiques ;
- Des oiseaux typiques de pelouses sèches, au nombre
d'environ 15 espèces potentielles en Ile-de-France (d'après
KOVACS, com. pers., 1990; URBANO,1992 a ; YEATMAN,1977) mais avec
seulement 9 espèces présentes en Essonne (Alouette
des champs, Bruant jaune, Cochevis huppé, Fauvette grisette,
Linotte mélodieuse, Pipits, Traquets) ;
- Des espèces inféodées aux espaces ouverts
(plaine agricole notamment), qui trouvent au niveau des pelouses
calcaires un habitat de substitution riche et attractif, enclavé
au sein d'espaces beaucoup moins diversifiés.
La répartition géographique
En Ile-de-France, les pelouses s'observent essentiellement dans
trois grandes zones:
la basse vallée de la Seine,
le sud de l'Essonne,
la vallée du Loing et de la Bassée
et quelques petits noyaux comme sur les coteaux de l'Ourcq.
Les pelouses de l'Essonne représentent 40% des pelouses
d'Ile-de-France.
LES INTERETS
Ces pelouses sont les derniers souvenirs d'une culture pastorale
autrefois répandue en Ile-de-France.
Dans le Sud Essonne, ces pelouses sèches soulignent le passage
des grandes plaines agricoles aux pentes boisées des vallées
et enrichissent un paysage souvent monotone.
Elles abritent beaucoup d'espèces qu'on ne retrouve nulle
part ailleurs en Ile-de-France et augmentent la richesse floristique
et faunistique que nous avons le plaisir de découvrir dans
notre environnement.
LES MENACES
Les pelouses sèches essonniennes sont caractérisées
par la valeur de leurs groupements végétaux,
de leur flore spécialisée et des insectes
ou des oiseaux inféodés, mais aussi (et surtout
!) par leur extrême fragilité et par les menaces
qui pèsent sur elles.
Cette fragilité est due à :
- la spécialisation des plantes, très sensibles aux
modifications de leur environnement ;
- la complexité des relations entre les différentes
plantes ;
- l'évolution naturelle de certaines pelouses vers le boisement
(le mésobromion notamment), malgré l'entretien par
des groupements d'intérêt comme les chasseurs ;
- leur enclavement au sein de la plaine agricole intensive, avec
les conséquences directes ou indirectes des traitements et
de l'irrigation;
- leur faible étendue, qui les rend très vulnérables
aux dégradations et aux agents agresseurs externes ;
Les menaces sont:
- la proximité ou le déroulement d'activités
néfastes à l'écologie de leurs groupements
végétaux et de leur flore spécifique (pique-nique,
terrain de jeux, moto-cross) ;
- leur exploitation, après défrichement, pour plantation
en arbres de rapport (pins) ou d'ornement (Ailanthes, Thuyas), ou
pour mise en culture ;
- l'utilisation de milieux considérés comme marginaux
ou incultes, servant aux dépôts temporaires ou permanents
de gravats, de fumiers ou d'ordures, ou favorisant l'urbanisation
et les aménagements ;
- L'infiltration de produits phytosanitaires, depuis les champs
environnants.
Ces différentes sources de dégradations ou de destructions,
engendrent pour les pelouses sèches de l'Essonne :
- un amenuisement de la surface globale (seulement 300 ha de formation
typique estimés en 1991), comparée à celle
qui a dû exister auparavant ;
- une réduction de la superficie unitaire (en 1991, sur 16
pelouses échantillonnées, la surface de formation
typique varie de 11,45 ha à 0,19 ha, pour une moyenne de
4,28 ha) (GAULTIER, com. pers.,1993) ;
- un éloignement important des pelouses les unes par rapport
aux autres;
- une forme généralement allongée et non compacte,
car elles se maintiennent aux bords de vallées notamment.
Tous ces phénomènes facilitent leur embroussaillement
ou leur destruction et entraînent un appauvrissement des cortèges
floristiques : 17 espèces auraient disparu et 30 autres se
trouvent menacées en Ile-de-France (BOURNERIAS.1989).
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